La pollution de l’air aurait des effets sur le cerveau des enfants

Le Monde

Des chercheurs établissent un lien entre une exposition lors de la période fœtale et des altérations cérébrales chez les jeunes enfants. L’AP-HP organisait un colloque le 5 avril.

 

La mairie de Paris et l’AP-HP organisent un colloque consacré aux effets de la pollution de l’air sur la santé. Ce qui rappelle l’urgence à lutter contre la pollution de l’air. L’occasion de rappeler que les urgences pédiatriques croulent sous les cas de pathologies respiratoires. Cela arrive à chaque pic de pollution. De plus la littérature scientifique établi le lien entre une mauvaise qualité de l’air et les cancers du poumon. Mais aussi les infarctus ou les AVC.

Les études se suivent et leurs résultats sont de plus en plus inquiétants. Une nouvelle publication suggère ainsi que les particules fines auraient également des effets délétères sur le développement du cerveau lors de la période fœtale. Même à des niveaux conformes aux limites réglementaires.

Publiée en mars dans la revue Biological Psychiatry, cette étude établit un lien entre une exposition (même faible) à un air pollué pendant la grossesse et des altérations cérébrales chez les jeunes enfants. Recherche menée par l’institut de santé Global de Barcelone (ISGlobal) et par le Centre médical de l’université Erasmus de Rotterdam.

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Les travaux ont porté sur 783 enfants nés aux Pays-Bas entre 2002 et 2006. Les chercheurs ont d’abord mesuré leur niveau d’exposition à la pollution de l’air au domicile de la mère pendant la période prénatale, en s’intéressant particulièrement aux particules fines PM2,5 (de taille inférieure à 2,5 micromètres) et au dioxyde d’azote (NO2) émis principalement par le trafic routier. Ils observent, par imagerie à résonance magnétique, le développement du cerveau entre 6 et 10 ans. Ils ont enfin soumis ces enfants à des tests cognitifs.

« Retards cognitifs »

Leurs constats font froid dans le dos. « Les enfants exposés aux niveaux de particules fines les plus élevés pendant la période fœtale ont le cortex plus fin dans plusieurs régions du cerveau de chaque hémisphère », écrivent les auteurs. Ils ont ainsi mis en évidence que pour chaque augmentation de particules fines de 5 microgrammes par mètre cube (µg/m3), le cortex cérébral de la région du précuneus (une circonvolution du lobe pariétal) dans l’hémisphère droit, ou celui de la région du lobe frontal, était plus fin de 0,045 millimètre.

Les résultats des tests cognitifs pratiqués sur chaque enfant confirment les observations cliniques. « Une exposition aux particules fines durant la période fœtale est associée à un nombre plus élevé d’erreurs » de ce que les auteurs appellent le « contrôle inhibiteur », à savoir des troubles des fonctions exécutives qui permettent d’accomplir et de se concentrer sur des tâches complexes.

Ainsi, à chaque augmentation de particules fines de 5 µg/m3, le nombre d’erreurs augmente de 5 %. Ils observent également que ces erreurs augmentent respectivement de 32 % et de 69 %. A mesure que le cortex cérébral du précuneus et du lobe frontal était plus fin d’1 millimètre.

Or, les troubles du contrôle inhibiteur, également définis comme la capacité au contrôle de soi, s’associent à des comportements addictifs. Mais également à des déficits de l’attention ou à l’hyperactivité.

« Ces retards cognitifs observés dans les premières années de l’enfant pourraient avoir des conséquences significatives à long terme, alerte l’auteure principale de l’étude, Monica Guxens, de l’ISGlobal. Il y a des risques accrus de problèmes de santé mentale et de moins bonnes performances scolaires. » La chercheuse précise que « ces enfants qui ont maintenant 13-14 ans sont actuellement suivis pour vérifier si ces troubles se poursuivent ».

« Une hypothèse qui mérite d’être creusée »

Pour Rémy Slama, épidémiologiste environnemental à l’Inserm, cette étude formule « une hypothèse qui mérite d’être creusée »« C’est un champ émergent, estime ce spécialiste de l’effet sanitaire des expositions précoces aux polluants. Contrairement aux conséquences respiratoires ou cardio-vasculaires, il manque encore un niveau de preuve élevé concernant les effets de la pollution de l’air sur le neurodéveloppement. » Jusqu’à présent, plusieurs publications américaines s’étaient attachées à démontrer le lien entre la pollution de l’air d’origine automobile et le développement de l’autisme.

L’étude confirme aussi que la pollution atmosphérique a un impact sanitaire même quand les normes sont respectées. C’est ce qui la rend encore plus inquiétante.

Ainsi, la majorité des femmes suivies durant leur grossesse ne s’exposent à des concentrations supérieures aux valeurs limites européennes en termes de dioxyde d’azote (40 µg/m3 par an), et seules 0,5 % respirent un air qui dépasse le plafond fixé par l’Union européenne pour les PM2,5, à savoir 25 µg/m3 par an. La quasi-totalité s’expose « seulement » à une moyenne de 20,2 µg/m3.

Cela fait dire aux auteurs que les normes européennes actuelles ne sont pas sûres. Pour rappel, l’Organisation mondiale de la santé recommande de ne pas respirer plus de 10 µg/m3 de particules fines par an.

 

Stéphane Mandard

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